
Publié le 06/06/2025
Une réunion pour rien. C’est le sentiment qui ressort de la dernière réunion de politique monétaire de la Fed du 7 mai dernier. Donald Trump impose son narratif, que le monde entier suit en tant que spectateur. Face à l’incertitude, la Fed a ainsi de nouveau opté pour un statu quo. Ni les investisseurs, ni Jerome Powell ne connaissent le contenu du prochain épisode du feuilleton Trump 2.0. Personne n’est non plus en mesure d’évaluer précisément dans quelle ampleur l’inflation augmentera, ni les dégâts que ce phénomène engendrera sur l’économie américaine, ou encore si toutes les négociations commerciales en cours aboutiront. Puisque l’on sait qu’on ne sait pas, ne serait-il pas venu le moment de faire un pas de côté en réfléchissant à plus long terme ?
Jerome Powell ne sait pas et préfère patienter le temps d’accumuler
les données. L’incertitude est plus forte que tout.
La décision fut sans surprise. La Fed a laissé, le 7 mai dernier, sa politique monétaire inchangée. Cela fait donc depuis le début de l’année que les taux directeurs n’ont pas été modifiés. Lors de la traditionnelle conférence de presse, Jerome Powell (président de la Fed) nous a indiqué que l’état de santé de l’économie américaine semble être correct à ce stade. Que le niveau des taux directeurs semble être adéquat. Et que les pressions inflationnistes vont semble-t-il s’accroître du fait de la politique commerciale. Sans nous indiquer quelle sera la décision prise, la question de l’arbitrage entre la hausse de l’inflation liée aux droits de douane et l’éventuelle augmentation concomitante du taux de chômage a été jugée particulièrement délicate. La session de questions-réponses avec les journalistes n’a pas permis d’y voir beaucoup plus clair. En résumé, Jerome Powell ne sait pas et préfère patienter le temps d’accumuler les données. L’incertitude est plus forte que tout.
Dans le prolongement de l’instauration des droits de douane, l’économie américaine s’apprête à subir un choc d’offre négatif, qui devrait coïncider avec une hausse de l’inflation et une baisse de l’activité. Toutefois, de nombreuses interrogations demeurent.
Sous quel délai et dans quelle proportion les entreprises vont-elles augmenter leurs prix ? Les consommateurs seront-ils captifs ? Si non ou partiellement, quelle sera l’ampleur de la baisse de la consommation des ménages ? Les entreprises vont-elles plutôt rogner sur leurs marges ? Si non ou partiellement, vont-elles licencier après avoir gelé les embauches ? Tant de questions, si peu de réponses. Concernant le scénario que nous envisageons à court terme pour la Fed, nous invitons le lecteur à consulter notre dernier mensuel en date ici. Bien qu’elle ait été rédigée avant la réunion du 7 mai, notre analyse sur le sujet n’a pas changé.
Si la Fed pourrait être tentée de baisser ses taux quelques fois, qu’en est-il des questions qui nous animaient autrefois ? En particulier, celles concernant l’évolution du taux neutre – celui équilibrant l’épargne et l’investissement et qui n’entraîne ni surchauffe, ni refroidissement du couple croissance/inflation. Ce taux théorique appelé r* (r-star ; r-étoile en français), est inobservable et des trésors de modélisation sont déployés pour l’estimer. La politique monétaire est ainsi considérée comme restrictive (incidence négative sur l’activité et sur l’inflation) lorsque le taux directeur (r) est supérieur à r*. Expansionniste à l’inverse, lorsque r < r*. Si r* est inobservable, il occupe toutefois une place de choix dans les réflexions de politique monétaire, puisqu’il détermine à sa manière le point d’ancrage, voire d’atterrissage des taux directeurs. Depuis plusieurs trimestres maintenant, les membres de la Fed rehaussent leurs prévisions de taux directeurs à long terme – sorte d’approximation du taux neutre –. La médiane et la moyenne de ces prévisions se situent désormais autour de 3 %, contre ~2,5 % avant la pandémie.
D. Trump a capturé notre attention, mais doit-on pour autant balayer d’un trait les tendances structurelles évoluant à bas bruit ? Nous pensons que non. C’est pourquoi, nous continuons d’avancer l’idée d’un nouveau régime où l’inflation serait en moyenne plus élevée qu’avant la pandémie, de même que les taux d’intérêt. Plusieurs facteurs sous-tendent ce nouveau régime. Premièrement, la plus grande fragmentation du monde découlant de la pandémie et de la guerre en Ukraine. Ce nouvel environnement géopolitique invite à envisager une fréquence plus élevée de chocs d’offre négatifs. Ensuite, le grand retour des politiques industrielles et l’élan autour de la réindustrialisation et le regain d’autonomie stratégique. Bien que très différentes dans leurs approches, la politique de D. Trump et les initiatives menées par l’Europe et d’autres régions du monde, s’inscrivent dans cette lignée. Nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, les besoins d'investissements publics et privés dans divers domaines sont conséquents. Citons à cet égard les thématiques liées à la transition écologique et la décarbonation de nos économies, les défis posés par le vieillissement de la population ou encore les enjeux de sécurité et d’autonomie stratégique.
Sources
Ecofi, BLS, reproduction, inspiration et adaptation libre des travaux de Americo, A, D K G Araujo, J Damp, S Nilsen, D Rees, R Schmidt and C Schmieder (2025): “Inflation cycles : evidence from international data”, BIS Working Paper no 1264. L’inflation américaine est représentée par la variation sur un an de l’indice des prix à la consommation CPI. Données trimestrielles de janvier 1914 à mars 2025.
Une fois le bruit retombé, nul doute que le débat sur le taux neutre refera surface, qu’il s’agisse de la Fed ou d’autres banques centrales…
*: locution latine pouvant être traduite de la manière suivante : « Par des sentiers ardus jusqu'aux étoiles ».
Ecofi, au 10 mai 2025.
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Les analyses et les opinions mentionnées ci-dessus représentent le point de vue de l’auteur. Elles sont émises en date du 10 mai 2025 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Ce document est produit à titre purement indicatif. Il constitue une présentation conçue et réalisée par Ecofi à partir de sources qu’elle estime fiables. Ecofi se réserve la possibilité de modifier les informations présentées dans ce document à tout moment et sans préavis. Il est produit à titre d’information uniquement et ne constitue pas une recommandation d’investissement personnalisée.
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